Pages A4 - 95 à 101.

 

4.3- Casernes d'Aachen. (Brand & Hitfeld 63-65)

 

 

 

 

 

Le mercredi 28 juillet 1963, l’école des transmissions est en effervescence. Ce fut l’occasion pour certains d’embrasser leurs parents, leur fiancée, pour d’autres de les regarder avec nostalgie. Après un an, adieu Vilvorde, adieu fumées, Maïzena, senteurs de Senne, relents d’égouts ! Vous êtes embarqués sans armes (et quels bagages !) dans un TPJ (Train Permissionnaires Journalier) qui prend tout son temps pour vous amener à Aix-la-Chapelle, en Allemagne. La plupart s’assoupissent, moyen comme un autre pour tuer le temps, car les 150 kilomètres furent parcourus en quatre heures ! Péniblement, vous vous extrayez avec votre barda de votre compartiment. Au terme de notre voyage, des anciens nous accueillaient au pied de camions. Bien entendu, il ne fallait pas s’attendre à un car ou un tram ! Après avoir franchi un corps de garde, nous débarquâmes au milieu d’un dédale de baraquements en bois, dont n’apparaissaient à certaines zones qu’une grande dalle en béton montrant qu’à cet endroit, il y avait eu un logement. C’était bien loin des beaux pavillons de Saffraenberg. À 20 mètres se détache la sombre clôture de barbelés et la masse imposante des miradors. Nous étions au camp Gabrielle Petit d’Hitfeld tenu par le 51e bataillon de Génie et où nous logerons et mangerons. Après avoir pris notre collation à notre nouveau mess des sous-officiers, c’est avec célérité que nous gagnâmes nos lits et nous nous endormîmes du sommeil du juste, ne pensant ni à la dureté du lit, ni à la nouvelle vie qui nous attendait et qui commençait en FBA (Forces Belges en Allemagne).

Le lendemain, après le déjeuner, on nous embarquâmes, en camion, à la caserne Sous-lieutenant Pirotte à Brand occupée par le 8e bataillon TTr (Troupes de Transmission) et furent affectés à la 83e compagnie. Unité logistique, son rôle est le stockage, la distribution, la vérification et la réparation du matériel de transmission (radio, téléphonie) pour toutes les troupes belges en Allemagne, appelé 4e échelon. Il y avait essentiellement des grands hangars de dimension d’un terrain de football, mais où en été il y fait très chaud et en hiver très froid ! Et ce malgré ventilateurs et chauffage. Cependant, ils sont super équipés en instruments de mesures rendant le travail attrayant et de précision. Le chef de corps était le Lieutenant-colonel Tellier. A l'Etat-major, nous avions le Commandant Schickrath, le capitaine Maes, l'Adjudant Lothaire et à l'OSC l'Adj. Deramaix. Le commandant de la 83e compagnie TTr était le Commandant Sartenar M. Il y avait aussi le Cpt. Schinelli E, l'Adj. Burniat et comme CSM, le Sergent Jacques Bouharmont.

1963.10.01 SLC  1965 Hitfeld

                                      

Nos premières préoccupations furent de rendre plus accueillant nos logements. Nous avons pu obtenir de la peinture et quelques matériaux divers, alors nos soirées y furent consacrées. Je dus aussi partager ma chambre avec Germain Rommens. Le jeudi 2 octobre 1963, ma surprise fut de taille, qui allait changer ma vie. Le facteur m’avait laissé un mot que je devais aller chercher mon courrier au corps de garde. Je me demandais, si ce n’était pas encore l’une ou l’autre blague comme c’est monnaie courante ici, que l’on se méfie de tout. Et bien non, il y avait une trentaine de lettres qui m’attendait. Ce fut ainsi pendant deux semaines, puis fini par s’amenuisé. Ainsi, je reçus en tout quelques 425 demandes de correspondance de jeunes filles du monde entier avec parfois une photo. C’était une insertion dans la revue, fort en vogue, " Salut les copains" qui en était l'origine. À l'époque, j'étais fan de Françoise Hardy. Il ne m'était pas possible de lire toutes ces lettres et encore moins d'y répondre. Alors, on se partagea la tâche avec mes camarades depuis Saffraenberg et d'autres nouveaux. J'en gardais une vingtaine et les soirées furent mises à l'écriture. Alors, pour plus de facilité, j'avais acheté une machine à écrire portable "Remington".

1964 Aachen A

 

Ici, nous disposions du double casque américain, beaucoup plus léger et mieux adapté. Comme matériel de transmission en émetteur-transmetteur de radio, nous avions:- ANPRC 6, portable en FM de 5 kg munis de tubes électroniques sub-miniatures d'une puissance de ¼ de Watt et d'une portée de 1600 mètres;- ANPRC 8 à 10, portable en FM au dos d'un poids de 12 kg faisant 1 W avec des tubes miniatures et pouvant porté de 5 à 10 km;- ANGRC 3 à 8 sur véhicules, transmettait en FM jusqu'à 60 km, d'une puissance de 20 W et qui remplacèrent progressivement les anciens SCR 506 pesant 85 kg d'une puissance de 25 W et portant à 40 km;- ANGRC 9, principalement sur les jeeps "Minerva" ou "Willys", émettait en AM avec une puissance de 7 W et d'une portée de 25 km. Dans un "shelter" posé sur un camion, nous avions le T 400 d'un poids total de 350 kg d'une puissance de 400 W et pouvant couvrir de 500 à 1000 km, munis de tubes électroniques. Il y eu les premières radios fonctionnant avec des transistors, le Fug7a de Téléfunken, qui était bidirectionnel (comme un téléphone) munis d'une antenne télescopique commandée par une manivelle. Dans les camions bureau étaient installés des téléimprimeurs "Siemens" et ensuite les "Acec".

Evénement incontournable, ce sont les fastes du 8e Bn TTr. Dès 8 heures du matin, une grande animation règne le lundi 14 octobre au quartier Brand. Un soleil étincelant fait étinceler les cuivres et permet d'augurer une journée splendide. Après la messe de 9 heures célébrée par l'aumônier en plein air, ce fut la prise d'armes avec défilé, revues des troupes et discours accompagné par la musique de la 1ère division. Ensuite, vin d'honneur au hall 33 et à 13 heures le délicieux repas de corps, copieusement arrosé de vins ou de bières qui nous change de nos habitudes et passage de quelques humoristes. À 20 heures, ouverture du bal, d'abords sur une piste recouverte de savon qui ne découragea pas quelques danseurs, ni les effets lacrymogènes bien connus. L'orchestre réussit à dégeler les plus réservés, ainsi que les boissons, servies en abondance et à des prix sans concurrence. Le protocole s'estompait dans la bonne humeur. Les couples dont la joie s'étoilait, étaient entrainés dans un mouvement irrésistible dans une musique tour à tour langoureuse et trépidante. Ce fut cette note colorée et attachante que s'évanouit cette fête, que beaucoup n'oublieront pas de sitôt.

 

1963.12.21 Manage A  1964-10 Sclayn

 

Le 22 novembre 1963, nous apprenions le fait dramatique que fut l'assassinat du Président des Etats-Unis J-F. Kennedy à Dallas. Du 9 au 30 décembre, j'avais obtenu un congé, ainsi j'ai pu assister au mariage le 21 de mon frère Gaston avec Monique Mary. J'y avais revêtu la grosse capote militaire, tant il faisait froid et neigeux. Parmi les correspondantes, il y avait Yvette Corbusier (°10.6.44) qui habitait au boulevard Général Jacques à Etterbeek. J'ai pu la rencontrer à Namur où nous allions danser au "Vingt mille lieues sous la mer" à Jambes près du pont. Là aussi, vu les rares occasions de se voir, après sa 61e lettre, nos relations s'arrêtèrent en mai 1965. Elle s'était fiancée à un candidat officier qui suivait des cours à Saffraenberg et elle travaillait dans une clinique. Le dimanche 8 mars, j'ai assisté au Carnaval des Ours à Andenne. Le 24 avril 1964, c'est dans une ambiance endiablée que le 8 TTr a fêté son Saint Patron, Saint Gabriel. Dès 21 heures, l'orchestre entama son premier morceau invitant à la danse les couples déjà présents ou en train de se former. Lorsque le Colonel et Madame Schtickezelle, qui honorèrent cette belle fête de leur présence, fit son entrée, ce fut une ovation générale par l'assemblée qui l'accueillirent. La salle était comble et la bonne humeur à son summum lorsque notre dynamique adjudant de corps annonça au micro les numéros gagnants de la tombola gratuite. Après ce petit interlude, le buffet froid fut ouvert et l'on y dégusta de bon appétit. Bien tard dans la nuit, les invités rentrèrent au logis, l'esprit peuplé de souvenirs inoubliables de cette belle soirée réussie.

Du 6 au 11 mai 1964, lors d'un autre congé, j'ai pu faire la connaissance d'une autre correspondante Françoise Lacaille (°3.4.42), mais à Orléans où je m'étais rendu en train. Comme on ne s'était jamais vu, on s'attendait sur les marches de la gare et après un moment d'hésitation, on s'interpela. Comme elle possédait une Ford Anglia, nous en profitions pour visité la ville et assister aux festivités en l'honneur de Jeanne d'Arc (voir chapitre 5.3.01). Mon autre rendez-vous fut pris du 17 au 26 juillet mais en voiture cette fois car j'avais acheté une Ford Taunus 12M TS, avec l'argent placé par l'armée sur un livret jusqu'à mes 21 ans (mille francs belge par mois soit 66.000 FB). Lors de cette deuxième rencontre, il y eut une petite visite chez mes parents à Sclayn, du 12 au 16 juillet, où nous avions fait quelques balades le long de la Meuse et à Sclaigneaux, au lieu-dit: "chant d'oiseaux" (2). J'eu aussi l'autorisation du chef de corps du port de mon uniforme (service-dress) à l'occasion du mariage à Orléans de sa sœur Dominique avec Jacques, le samedi 18 juillet. Le menu du déjeuner était: Melon frappé au Porto - Filets de sole à la Normande - Pigeonneaux grand'mère - Salade de saison - Plateau de fromages - Pièce montée - Glace tutti frutti - Café, liqueurs - Vins: Pouilly sur Loire, Bourgueil et Champagne. Pour le dîner: Velouté crème de volailles - Jambon braisé au Madère - Pommes gaufrettes - Salade, fromages - Petits fours glacés et Beaujolais. Il y eut un troisième voyage du 8 au 15 février 1965, mais des divergences de vues sont apparues qui ont altérés nos relations pour rester épistolaires jusqu'en décembre 1965 avec ses 116 lettres.

1964.7 F.Lacaille 1964.7.18  Orléans 1965 Y.Corbusier 1966.4 L.Guleserian

Françoise Lacaille et sa sœur Dominique (Orléans), Yvette Corbusier (Bruxelles) et Léna Gulesserian (Liban),

   

 

Germaine Bach Yen Ngyen Ngoc (Viet-Nam), Josette Fleury (Maroc), Héléna Najbar(Pologne) & Marlène Muzac (Haïti)

Parmi les correspondantes que j'avais sélectionné hors des 425 demandes reçues, il y eut Marie-Gabrielle Gaborit de l'Ile d'Yeu en France qui après sa 7e lettre du 7 janvier 1964, ne donna plus signe de vie. De même, pour Ursula Schüldei de Münter en Allemagne, après sa 6e lettre du 12 mars 1964. Il y eut aussi Eva Elisabeth Lefèvre de Fontenay-sous-Bois. Sur l'insistance de mon compagnon de chambre Germain Rommens, je lui avais laissé le soin de poursuivre la correspondance. Cependant, après leur rencontre à Paris, elle me signala dans sa 5e lettre qu'elle n'était pas une fille à soldat et mit donc fin en décembre 64, toutefois en me faisant parvenir sa publication de poèmes: "Pudeur d'un cœur". Il y eut également Arlette Rapillard de Sierre en Suisse dont je n'eu plus de nouvelles après sa 9e lettre du 28 janvier 1965. Ensuite, il y eut Annie Gabriot de Bad Godesberg en Allemagne qui m'écrivit 15 fois jusqu'au 10 janvier 1965.

Généralement, en dehors du courrier, je passais mes soirées à classer des timbres-poste et des cartes-postales ou à l'étude de cours par correspondance. À cette période, je m'endormais assez rapidement. Au réveil, je mettais d'abord de la musique à la radio et après ma toilette et m'être habillé, je partis avec ma voiture du camp d'Hitfeld au camp de Brand pour arriver à temps au salut au drapeau. Après quelques poignées de mains et quelques parlottes, j'allais allégrement au hall 33, situé au fond de la caserne. Alors, je m'appliquais à mon établi pour effectuer les réparations qui m'avaient étés impartis avec toute la rigueur militaire des normes à respecter. Quand dix heures sonne, c'est au pas de course que nous nous rendions au bar où nous n'avions qu'un quart d'heure, pour y manger un petit déjeuner à mon goût : café et deux boules de Berlin. À midi, c'est d'abord la ruée à l'évier du coin et dans un vacarme assourdissant nous nous rendions, en camion, au mess sous-officier pour y prendre notre dîner, avec toujours mon poste de radio dans une grande poche. J'écoutais principalement "Radio Véronica" qui émettait depuis uns navire ancré en Mer du Nord. Retour et reprise du boulot à 14 heures avec pose à 16 et fin de journée à 17h30. Vu que le souper était à 18 h, j'avais un peu de temps pour passer par un magasin d'alimentation sur la route où je prenais quelques réserves comme complément et changer de l'ordinaire. La chambre avait parfois l'aspect de cuisine que nous dissimulions de même que les appareils électriques qui n'étaient pas autorisés.

Le samedi 1er août 1964, j'ai participé au jumelage du 8 TTr avec la ville de Wavre. Après le grand banquet, nous avons étés, au village voisin, au 4e grand bal à Bierges avec les Moretti. Le 29 août, c'est le premier mariage d'un de nos compagnons de route, Christian Nisol avec Christiane Mommens à Vilvorde. Du 17 au 20 novembre, je faisais partie du groupe d'inspecteurs du matériel de transmission en mission dans la caserne de Kassel situé à cinq kilomètre du rideau de fer soviétique. Autrement dit, on en menait pas large vu le grand nombre de contrôle de police. Cependant notre tâche fut aussi bien menée que pour les autres camps et nous y étions très bien reçus, sans que cela puissent nous influencé dans nos jugements et notre cotation. À la mi-décembre, je participais à un autre contrôle à Arnsberg près de Soest. Le 22 février 1965, ce fut le tour de notre camarade Yvan Schoenowsky à se marier avec la cantinière Rita Van de Ven à Hitfeld. Le dimanche 28 mars, eu lieu le baptême de mon second filleul, mon neveu Jean-François Fiems, à Saint-Gilles (Bruxelles).

  Maria Teresa Ferreira Vieira de Araújo

 1965-3-28 Bruxelles

Le 1er avril 1965, et ce n'était pas un poisson, à une heure du matin retentit l'alarme qui préfigurait un exercice de nuit. Nous embarquâmes dans les camions, qui nous attendaient déjà, et nous nous sommes retrouvés dans la région du barrage de la Kall. Surprise, on était opposé aux forces armées de la Bundeswehr de la caserne Theodore Kôner ! La manœuvre eu lieu dans une région pittoresque: bois, rivières, pentes escarpées; il n'y manquait que le soleil et c'eut été de la villégiature. Nos sections se sont éparpiller dans la nature et nous avons interceptés un groupe d'allemand en suivant les traces fraîches avec notre flair de vieux trappeur, et le second groupe se sont fait surprendre en train de se restaurer. Nous avons échangé quelques mots bien que nos conversations furent le plus souvent laborieuses. Nos adversaires allemands très corrects nous jouèrent un mauvais tour en franchissant le front bien avant l'heure prévue. Reprenant les devant, nous remportions un fameux succès sur nos adversaires épuisés par la longue randonnée. À la fin de l'opération, nous rejoignons nos camions pour "pique-niquer". Le repas pris à la lueur des phares et sous la pluie, fut généralement bien accueilli, cassoulet, café, vin chaud, etc. C'est dommage que nous ne puissions pas fraterniser et faire mieux connaissance avec nos adversaires.

Lors du congé du 1er au 26 avril 1965, je me rendis pour la première fois au Portugal (voir chapitre: Le temps des voyages, § 3, 5 & 6) où je rencontrai une correspondante: Maria Teresa Ferreira Vieira de Araújo qui est la fille de Carlos Fernando da Cunha Vieira de Araújo, major dans l'armée de terre portugaise et de Maria Teresa Ribeiro Ferreira. Elle est née à Anjos (Lisbonne) le 2 novembre 1947. (Voir généalogie Vieira de Araújo à l'adresse web:

http://fiemslesirefamilies.nexgate.ch/divers_fichiers/vieiraaraujo/index.htm)

Après une escale de deux jours à Pampelune où j'y trouvais une autre correspondante: Marisa Saez. J'avais parcouru les 2.330 kilomètres en 27 heures et demie à une vitesse moyenne de 92 km/h. De retour, je me plus à raconter aux uns, puis aux autres, les formidables moments que j'avais passés. C'est surtout avec Jacques Bouharmont, RSM au 83e TTr, que je discutais longuement sur un tas de sujets. Lui, il était un fan de Jacques Brel. Ainsi est venu l'idée de créer un journal de corps, qui s'appela: Brand, et dans lequel j'y insérais mes récits de voyage. Un deuxième voyage au Portugal fut programmé du 28 août au 25 septembre où je parcouru le sud (l'Algarve), Lisbonne et le centre. Par ailleurs, nos relations s'intensifiaient (voir chapitre: Le temps d'un rêve). Cependant, au cours de mon retour le 24 septembre, une moto vint me percuter, près de San Sébastian en Espagne, rendant ma voiture inutilisable après 36.185 km et de poursuivre en train.

Le mardi 25 mai à 8 heures du matin sous un ciel gris et une pluie fine mais tenace, la 83e compagnie TTr se mit en marche pour rejoindre le camp de Freund à 8 kilomètres où des tentes ont été montées. Sous la plus grande des tentes, la cuisine, dont les cuistots sont déjà à l'œuvre qui nous avaient préparé un repas à 13 heures. Pour les autres, la première mission est l'organisation de la défense avec les sentinelles et le creusement de trous de fusiliers. Commence des cours sur l'alerte atomique, la détection des radiations, le rôle de la sentinelle, le port du masque, etc. Il y eut quelques interruptions par des attaques du camp dont il fallait organiser la défense et des contre-attaques qui nous lancèrent tous dans la bagarre avec beaucoup de crépitements et d'explosions dans ces bois. Après quelques notions de lecture de carte, nous rentrions au camp en chantant. Vers 21 heures, chacun retrouvait sa chambre. Nous étions sans doute un peu fatigués, "crottés" surement, car le temps ne nous avait pas gâté, cependant nous gardions quand même un bon souvenir de ce défoulement "aux champs".

1964-7 Gevrinnes 1964-8 Sclayn

 Avec les bateliers de Gevrinnes et avec mes parents à Sclayn.

Le fait d'être militaire en Allemagne, nous donnait quand même quelques avantages, comme le hors-taxe. Nous pouvions bénéficier de rations de cigarettes et d'essence, toutes les boissons au bar étaient à cinq francs belges et les fournisseurs allemands de nos casernes faisaient une remise de 33 %, comme sur les pneus, les appareils photos, les appareils électroménagers, etc. Mais si nous rentrions en Belgique, il fallait les dédouaner. L'essence était à 2,85 FB et la quantité dépendait de la cylindrée de la voiture. Pour les cigarettes, nous avions droit à 800 par mois à 2,8 FB, alors nous prenions des paquets de 20 de "Stuyvesant" que préférait les allemands, à qui nous les revendions à 1 Marck (le Marck était alors à 12,5 francs), bien que la pratique était interdite, de même le passage en Belgique. Malgré la tentation, je n'ai jamais fumé. J'eu aussi la possibilité de passer mon permis de chauffeur poids lourd à la caserne et sur les hauteurs de l'Eifel. Plus tard, cela me facilita l'obtention du permis belge quand il fut requis.

Avec trois autres camarades, nous nous sommes inscrits au cours du soir d’allemand à Eupen pour lesquels nous avions obtenus une permission spéciale et nous nous y rendions avec ma voiture. Lors d’un retour, sur une longue ligne droite dans le noir, je vis une petite lueur au loin comme s’il s’agissait d’une signalisation de travaux. Il n’y avait pas un chat et je me déportais vers la gauche pour éviter cet obstacle. Les lumières se précisaient et s’agitaient. C’était les lampes de poche de gendarmes qui effectuaient un contrôle à ce barrage. Je freinais alors fortement pour les éviter et l’un d’eux finit sur mon capot. Voyant que nous étions en uniforme, ils nous saluèrent et nous leur dire qu’ils étaient bien imprudent et dangereux, de se posté au milieu de nulle part, avec aussi peu de visibilité. En effet, ils n’avaient pas de vêtement fluo, ni de gyrophare, rien comme de nos jours. Ils nous laissèrent repartir, après avoir essuyé une grande frayeur, tant pour nous que pour eux. Une autre fois, pendant une garde aux bâtiments du Commandement de la Place, une jeune fille s'était adressée au corps de garde vers deux heures du matin. Elle disait qu'on l'avait emmenée de force de Belgique et qu'elle avait réussi à sauter de la voiture qui l'avait embarquée. Comme la garde était très calme, je la reconduisis avec ma voiture à Liège en passant par un poste de frontière que je savais qui n'était gardé que par un douanier allemand dans les bois allant vers les cantons de l'Est.

Depuis l'an dernier, la ville de Wavre assume le parrainage du 8 TTr et de nombreux contacts se sont établis. Wavre ayant décidé de jumeler avec la ville française d'Henin-Liétard dans le Pas de Calais, nous a inviter à participer aux manifestations organisées à cette occasion les 3 et 4 juillet. Un détachement d'une septantaine d'hommes conduit par le Commandant De Keiser quitta Aachen-Brand le samedi en une longue colonne de camions et de bus pour arriver dans la petite ville brabançonne vers 11 heures. Aussitôt le chef du détachement déposa une gerbe au monument dédié aux victimes des deux guerres, après cela ce fut l'installation assez précaire dans une ancienne école et la fin de journée était libre. Le dimanche fut la journée de la célébration du jumelage sous les présidences conjointes du bourgmestre, Peeters et du maire, Darcicourt en présence de notre chef de corps, le lieutenant-colonel Tellier. Le détachement du 8 TTr rendit les honneurs durant la cérémonie suivie par un nombreux public suivit d'un grand banquet dans les locaux de l'athénée. Ce geste fut fortement apprécié avec un repas excellent accompagné de bières et de vins à volonté ... L'après-midi, la soirée et même la nuit furent donc animées à souhait et pour beaucoup le réveil du lundi matin fut plutôt pénible. Qu'importe, nous avions vécu à Wavre un excellent week-end de détente. Le 24 juillet, ce fut un collègue de Saffraenberg, Léon Wattiez qui se maria avec Jeanine Richet à Nimy près de Mons.

Dans le cadre des festivités organisées à l'intention des parents, nous fûmes conviés, le dimanche 15 août 1965, à visiter une des plus belles vallées de l'Allemagne de l'Ouest. Nous avons quitté sans regret les allées poussiéreuses de notre garnison, bien décidés de profiter au maximum cette chance qui nous était offerte. Après avoir admirer, trop rapidement, la pittoresque et ancienne ville de Montjoie (Monchau), célèbre pour ses portes artistiquement décorées, nous avions pris la direction de Blankenheim, départ véritable de notre excursion. Un mince filet d'eau descend vers le Rhin en se cachant à nos yeux sous un beau manteau d'arbres bien feuillus. À partir d'Antweiler, l'Ahr nous est apparue mystérieuse et capricieuse, dessinant ses méandres étroits sous la douce lumière des rayons solaires. Nous l'avons suivi pendant quelques kilomètres, elle traçait son parcours se jouant des obstacles naturels qui se présentait devant elle, puis disparu à nouveau, sans doute honteuse de ne s'être ainsi dévoilée. Jusqu'à Walporzheim, nous avons été captivés par cette région, célèbre pour ses vertus médicinales et vinicoles, ses beautés naturelles... et humaines. N'est-ce pas sur les rives de l'Ahr que s'étagent les clos qui fournissent la part la plus importante du vin rouge allemand ! Sans cesse aiguillés par le doux parfum qui se dégageait des collines, un creux profond se traçait dans nos estomacs. Après un délicieux repas qui nous permit de goûter les meilleurs crus de la région, nous nous rendîmes à Altenahr, fort connue des disciples de Bacchus, pour ses caves et ses dégustations. Une dernière étape nous permit d'admirer une dernière fois du haut d'un télésiège les magnifiques versants de cette vallée. Le soir tombait déjà ainsi que le retour, l'estomac dans les talons, nous fûmes gratifiés d'un copieux souper arrosé de quelques chopes qui nous incitèrent à prolonger cette belle journée bien au-delà du coucher de soleil.

 

                                             F.J-L. Rédigé en 1998 et en février 2010

 

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